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Les réductions d’impôt prochainement étendues aux non-résidents

samedi 3 novembre 2018

La CAA de Versailles (CAA Versailles, 3 mai 2018, n°1507771) et le projet de loi de finances pour 2019 ouvrent la voie des réductions d’impôt pour les non-résidents.

Ce qu’il faut retenir

Les non-résidents sont exclus de nombreux avantages fiscaux (réduction d’impôt Scellier ou Pinel, crédits d’impôt, déduction PERP, etc.). La Cour administrative d’appel de Versailles a censuré les dispositions légales liées à la réduction Scellier en ce qu’elle réservait le bénéfice de la réduction aux contribuables domiciliés en France.
Cette différence de traitement entre résidents et non-résidents français qui sont dans des situations comparables (c’est-à-dire qui investissent dans des logements neufs donnés en location et répondent à des critères de performances, d’implantation géographie, d’engagement de location, etc.) n’est pas justifiée par l’intérêt général et est donc contraire à la libre circulation des capitaux instituée par l’UE.

Remarque : l’interdiction de restriction à la libre-circulation des capitaux prévue par l’article 63 du traité de fonctionnement de l’UE bénéficie tant aux résidents de l’UE et qu’aux résidents de pays tiers qui investissent en France (en l’espèce, le contribuable était d’ailleurs un résident du Canada).

Conséquences pratiques

Les juges se sont prononcés (l’administration n’a, pour le moment, pas fait appel de la décision de la Cour administrative d’appel), mais la loi n’a pas encore été modifiée. A ce jour, la réduction Scellier ainsi que les autres réductions similaires (réduction Pinel, Girardin, etc.) ne sont pas ouvertes aux non-résidents.
Notons, toutefois, que le rapport du projet de loi de finances pour 2019 recommande l’extension des réductions et crédits d’impôts (notamment la réduction Pinel) aux non-résidents.
Le rapport met en avant l’intérêt des non-résidents, de nationalité française, d’investir en France (se constituer un capital retraite, investir dans un bien qui deviendra leur résidence principale à la retraire, etc.). Un amendement au projet de loi de finances pour 2019 devrait être déposé prochainement en faveur des non-résidents, quelle que soit leur nationalité.

Pour aller plus loin
Contexte
Les non-résidents sont exclus de nombreux avantages fiscaux :
- réduction Pinel ;
- réduction Censi-Bouvard ;
- crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile ;
- déduction PERP ;
- autres déductions imputables sur le revenu global, etc.
La réduction Scellier, bénéficiant aux seuls résidents français, est passée au crible par le juge sur ce point.

Remarque  : Bénéficient des avantages fiscaux en France : les résidents de France, les résidents des DOM (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte), les "non-résidents Schumacker" (il s’agit des résidents hors de France qui tirent plus de 75 % de leurs revenus de source française), les Français résidant à Monaco (assujettis en France à l’IR dans les mêmes conditions que s’ils résidaient en France). Les résidents en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et en Nouvelle-Calédonie sont considérés comme non-résidents. Cette différence de traitement entre résidents et non-résidents doit cependant être justifiée par l’intérêt général, ou être liée à une différence de situation entre les contribuables, pour ne pas être jugée discriminatoire selon le droit de l’UE.

Faits et procédure

Monsieur X habite au Canada et est propriétaire de biens immobiliers situés en France, donnés en location. Il a réalisé un investissement immobilier répondant aux conditions de la réduction Scellier en 2012 afin de réduire l’imposition de ses revenus fonciers de source française.
L’administration fiscale n’a cependant pas appliqué la réduction Scellier considérant que le contribuable n’avait pas son domicile fiscal en France au titre de l’année 2012.
Monsieur X soutenait, au contraire, qu’il avait droit à la réduction Scellier dès lors que le centre de ses intérêts économiques se trouvait en France (il détenait trois biens immobiliers en France dont deux productifs de revenus fonciers et détenait des titres de participation dans une SCI française).
Sa requête a été rejetée par le tribunal administratif de Montreuil.

Arrêt

La Cour d’appel de Versailles a fait droit aux prétentions du requérant : « les dispositions de la loi Scellier sont contraires à la libre circulation des capitaux en tant qu’elles limitent le bénéficie de la réduction d’impôt aux contribuables domiciliées en France ».

Analyse

Compte tenu des obligations de la France liées à l’UE (et notamment l’article 63 du traité de fonctionnement de l’Union européenne), la loi française ne peut faire obstacle aux mouvements de capitaux entre les États membres, et entre les États membres et les pays tiers. Une différence de traitement liée à la résidence fiscale des contribuables n’est permise que :
- si les contribuables ne sont pas dans des situations comparables. Concernant ce critère, les juges estiment que les situations des résidents et celles des non-résidents ne sont, en général, pas comparables (notamment l’importance des revenus imposables en France est qui potentiellement différente entre les résidents et les non-résidents), elles le sont cependant lorsque ces personnes investissent dans des logements neufs répondant aux conditions de la réduction Scellier (critère de performance énergétique et d’implantation géographique, engagement de location nue, etc.) ;
- ou si un motif d’intérêt général le justifie. Or, aucune disposition dans les travaux préparatoires de la réduction Scellier ne mentionne une raison impérieuse d’intérêt général justifiant la restriction à la libre circulation des capitaux. Les juges soulignent, au contraire, que la réduction Scellier vise à remédier à l’insuffisance de logement en France et que cet objectif peut aisément être réalisé par l’investissement de non-résidents en France.

Remarque : détermination de la résidence fiscale : L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles soulève également une problématique concernant la détermination de la résidence fiscale au sens du droit interne (CGI. art. 4 B) et de la convention fiscale entre la France et le Canada. Le contribuable soutenait que le centre de ses intérêts économiques se trouvait en France au sens de l’article 4 B du CGI puisque le montant de ses revenus fonciers de source française était supérieur à celui de ses revenus de source canadienne. Au contraire, en application de la convention franco-canadienne, qui prévaut sur l’application du droit interne, le contribuable disposait d’un foyer d’habitation permanent au Canada et était passible de l’impôt sur l’ensemble de son revenu mondial au Canada.


Source : professioncgp



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