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La réforme des successions et donations

samedi 17 juin 2006

Auteur : Patrice BONDUELLE [1]

Source : Les Echos Le 15-06-2006


La réforme enfin votée par la chancellerie et le Parlement choisit de faire confiance à la volonté individuelle et à l’accord familial plus qu’à la loi et au juge.

La remise à plat du « droit des successions et des libéralités », attendue depuis plus de vingt ans et menée à son terme avec ténacité et sens de l’équilibre par la chancellerie et le Parlement, marque un tournant radical par rapport à notre vieux droit successoral, encore tout imprégné des principes révolutionnaires. Pour s’adapter aux mentalités et à l’économie modernes, la loi fait désormais une large place à la convention familiale. Parmi les très nombreuses mesures nouvelles, trois illustrent particulièrement ce mouvement : le mandat posthume, la renonciation anticipée d’un héritier à sa réserve successorale et les donations graduelles et résiduelles.

Grâce au mandat « à effet posthume », il devient possible de nommer un ou plusieurs mandataires chargés d’administrer sa propre succession. Comme les débats parlementaires l’ont montré, ce mandat rendra des services proches de ceux de la fiducie (proche du trust anglo-saxon) : assurer la continuité d’une entreprise individuelle ou sociale en cas de décès prématuré de son dirigeant, rassurer ses partenaires (clients, personnel, partenaires, prêteurs ou investisseurs), même en présence de trop jeunes héritiers ou de conflits d’intérêts. D’une durée maximale de deux ans en principe, il peut être consenti pour cinq ans « en raison de l’inaptitude ou de l’âge (...) des héritiers ou de la nécessité de gérer des biens professionnels ». Dans les deux cas, il est renouvelable par décision du juge, saisi par un héritier ou par le mandataire.

Le mandat pourra être confié à un associé, un cadre dirigeant, un professionnel personne physique ou morale, notaire, « family office » ou tout autre tiers de confiance jugé capable d’accompagner la cession ou la reprise par un héritier, si elle est possible.

Répartition entre enfants

La renonciation anticipée d’un héritier à sa réserve, ou plus exactement à l’action en réduction des libéralités excessives, est désormais autorisée. Cet acte était jusqu’alors frappé de nullité, en raison de la prohibition générale des contrats sur succession future. L’enfant héritier réservataire va donc pouvoir renoncer par avance à contester une donation ou un legs fait au profit du conjoint survivant, d’un autre enfant ou d’un tiers et donc en pratique à sa part minimale garantie par la loi.

Les applications possibles sont très nombreuses : par exemple, la mise en place d’un accord global de répartition des biens entre les enfants d’un premier lit et la seconde épouse, combinant pleine propriété et usufruit, à l’organisation volontaire d’une transmission inégalitaire ou d’apparence inégalitaire, pour tirer les conséquences de donations fiscalement oubliées ou tenir compte de la participation active de l’enfant repreneur au développement de l’entreprise, à la sortie par donation, plutôt que par de fausses cessions, des associés prête-noms de SARL, ou encore à la renonciation volontaire totale ou partielle des héritiers sans enfants au profit des autres.

Mais aussi et surtout à la renonciation d’un enfant à tout ou partie de son lot au profit de ses propres enfants au moyen de la donation partage « transgénérationnelle », très attendue en raison de l’âge souvent avancé et de la situation patrimoniale établie des enfants donataires, qui préféreront « passer leur tour ». La loi leur fait confiance et autorise enfin ces renonciations. La parole donnée peut désormais devenir engagement écrit et la transmission successorale être organisée par contrat. Le pacte successoral est né.

Le successeur du successeur

Troisième grande innovation, la possibilité de désigner le « successeur de son successeur » au moyen d’une libéralité triangulaire, donation ou legs grevés d’une obligation pour son bénéficiaire de rendre tous les biens donnés (libéralité graduelle) ou ce qui en restera (libéralité résiduelle), à son propre décès, à une deuxième personne désignée par avance. L’ombre de la fiducie plane encore sur cette opération à trois : un constituant (le futur défunt), un fiduciaire (le premier gratifié) et un bénéficiaire (le deuxième gratifié). De multiples applications sont envisageables : protection élargie du second conjoint en toute propriété et transmission au profit d’un enfant sans descendance ici encore, ou portage de quelques titres par des sages autorisés à les céder, mais pas à les transmettre à leurs propres héritiers, avec dans les trois cas un retour gratuit organisé par avance vers les héritiers directs.

C’est donc une grande réforme, ambitieuse et équilibrée, qui introduit en droit français des outils juridiques proches des meilleurs standards européens et qui de surcroît fait suite à un ensemble de mesures fiscales favorables à des transmissions de patrimoine mieux organisées, plus sûres et moins coûteuses.



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